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POLANSKI
Roman
Traduit de l'anglais par JEAN-PIERRE CARASSO
ROBERT LAFFONT
Titre original : ROMAN by Polanski
© Eurexpart B.V
., 1984
© Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 1984, pour la traduction française.
Résumé
Grand cinéaste ou play-boy international, victime ou viveur ? Qui est Roman Polanski ?
La presse mondiale l'a traité de tout et de son contraire. Pour la première fois, le génial réalisateur du Bal
des vampires s'est décidé, nous dit il, « à mettre sur le papier ce que je crois être ma vérité ». Il le fait
sans détour, révélant, avec un luxe de détails fascinants, la mosaïque de son existence.
C'est tout le roman de sa vie que Polanski nous raconte tel qu'il l'a vécu : son enfance dans une Pologne
occupée par les nazis, ses débuts d'enfant comédien, ses études à la prestigieuse école du cinéma de
Lodz, la réalisation du Couteau dans l'eau, puis l'Ouest, la vache enragée à Paris, les laborieux débuts
londoniens, la brillante réussite américaine que viendra interrompre la tragédie de l'assassinat de Sharon
Tate, l'arrestation de Roman Polanski pour détournement de mineure en 1977 à Los Angeles et sa
nouvelle carrière en France.
Un alliage unique de morbide et de santé, d'ironie et de cruauté.
Danièle Heymann, L'Express
30/6049/8
Dépôt légal Impr. 143S-5 Édit. 5361 11/1985
A mes amis,
passés, présents et futurs
REMERCIEMENTS
Tant de gens ont prodigue leur temps et leur énergie à ce livre que j'ai l'impression qu'il s'agit d'une
entreprise collective, un peu comme la réalisation d'un film. Je tiens à exprimer du fond du cœur ma
gratitude à
- Edward Behr qui a su consacrer des jours et des jours d'une patience infinie à l'audition de mes bandes
magnétiques avant de ficeler le tout;
- John Brownjohn qui a contribué à peaufiner l'ensemble;
- et Peter Geihers qui lui a donné la touche finale.
1
A
ussi loin que je remonte dans mes souvenirs, la frontière entre le réel et l'imaginaire a toujours été
désespérément brouillée.
Il m'aura fallu presque une vie pour comprendre que c'était là la clef de mon existence même. Cela m'aura
valu plus que ma part de chagrins, d'affrontements, de catastrophes et de déceptions. Mais j'ai vu s'ouvrir
devant moi des portes qui, sans cela, seraient demeurées fermées à jamais.
L'art et la poésie, la fantaisie et l'imaginaire m'ont toujours paru plus réels que les étroites limites du
monde au sein duquel j'ai grandi dans la Pologne communiste. Très jeune, j'avais déjà l'impression d'être
différent de ceux qui m'entouraient : je vivais dans un monde à part qui n'appartenait qu'à moi parce qu'il
était le fruit de mon imagination.
Je ne pouvais assister à une course cycliste à Cracovie sans me voir aussitôt sous les traits d'un futur
champion. Je ne pouvais voir un film sans m'en imaginer vedette ou, mieux encore, réalisateur, derrière la
caméra. Assis au poulailler d'un théâtre, je ne doutais pas un instant que, tôt ou tard, ce serait moi qui
occuperais tous les regards, au centre de la scène à Varsovie, à Moscou, voire - pourquoi pas? - à Paris,
cette capitale culturelle du monde, si lointaine et si romanesque. Tous les enfants ont un jour ou l'autre
laissé courir ainsi leur imagination. Mais contrairement à la plupart, qui se résigne bientôt à la grisaille
quotidienne, je ne doutais pas un seul instant que mes rêves se réaliseraient un jour. J'étais possédé de la
certitude naïve et bébête que cela n'était pas seulement possible mais inévitable - joué d'avance, aussi
inéluctable que la morne existence qui aurait normalement dû m'échoir.
Mes amis et les membres de ma famille, habitués à rire de ma folie des grandeurs, ne tardèrent pas à me
considérer comme un bouffon. J'ai toujours adoré faire rire et jouais donc ce rôle de bonne grâce. Peu
m'importait. Par moments. les obstacles qui se dressaient sur mon chemin étaient tels que je n'eus pas trop
de toute mon imagination pour simplement survivre.
Ce fut un soir de janvier, il n'y a pas si longtemps, au théâtre Marigny, à Paris, qu'un de mes rêves d'enfant
s'est réalisé au-delà de ce que j'avais pu espérer. Costumé en Mozart, habit à la française et perruque
poudrée, je m'apprêtais à entrer en scène dans le double rôle de metteur en scène et de co-vedette du
spectacle.
Le public de la première - un mélange d'hommes politiques et dé vedettes de cinéma, de célébrités et de
gens du monde - était du genre que les journalistes aiment à qualifier d'« étincelant ». Et bien sûr, j'étais
ravi et flatté, mais je pensais plus encore à tous ceux de mes vieux amis qui étaient venus m'apporter le
soutien de leur présence, certains de l'autre bout du monde. Leur présence signifiait que je comptais pour
eux, que j'avais, en définitive et au sens le plus large de ce mot, une famille.
La pièce que nous allions jouer était l'Amadeus de Peter Shaffer. D'un bout à l'autre de la pièce, les
venticelli,
les « petits vents » comme on appelait les colporteurs de ragots, annoncent et ponctuent
l'action comme un chœur antique. Comme j'attendais en coulisse, prêtant l'oreille à leurs chuchotements
de serpents, je crus entendre un murmure confus des voix de mon passé. Il y avait celles qui me
grondaient et me reprochaient mes sempiternelles rêveries, mais aussi celles dont les encouragements
m'ont aide à les réaliser.
En cet instant, la frontière entre le réel et l'imaginaire cessa pour de bon d'exister. Les deux avaient fini
par ne faire plus qu'un.
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