L'Histoire 424 2016-06.pdf

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In or Out ?
L
e 23 juin, les Anglais votent
pour savoir s’ils veulent ou non
sortir de l’Union européenne.
Un nouvel épisode de l’étrange
danse qu’ils mènent depuis plus
d’un demi-siècle aux portes du
continent. Churchill, en 1944, choisis-
sait
« le grand large »
mais, deux ans plus
tard, appelait à fortifier
« les États-Unis
d’Europe ».
Macmillan, en 1958, vitupé-
rait la CEE, mais, trois ans plus tard,
avait changé d’avis : en octobre 1961, la
Grande-Bretagne faisait officiellement
acte de candidature au Marché com-
mun. L’intransigeante Margaret That-
cher menaça d’en claquer la porte, ob-
tint des dérogations (peut-être
exorbitantes), mais accepta
in extremis
en 1990 l’entrée de la livre sterling dans
le système monétaire européen.
On crut avoir touché avec Tony Blair
un authentique « européen », mais on
n’alla pas jusqu’à lui faire adopter l’euro.
David Cameron, lui, prend le risque du
référendum.
In
ou
out
? Dans tous les
cas, il n’assumera pas seul une décision
si lourde :
« Je ne veux pas remonter le
pont-levis et nous retirer du monde »,
di-
sait-il en 2013.
Dans ce contexte, les commémora-
tions du 950
e
anniversaire de la bataille
d’Hastings auront une saveur particu-
lière. C’est que l’extraordinaire expédi-
tion décidée en 1066 par le duc Guil-
laume de Normandie est aux sources de
cette histoire partagée.
Les Anglais disent invasion. C’est
pourtant bien d’une conquête qu’il
s’agit : grand chef de guerre, implacable
vainqueur, Guillaume transforma dans
les vingt années suivantes le destin de
l’île. Une nouvelle classe dirigeante ve-
nue du continent se substitua à la vieille
élite scandinave et anglo-saxonne qui
dirigeait jusque-là le royaume. A la mort
du roi, les Normands tiennent 95 % des
terres et le pays est hérissé d’un réseau
serré de châteaux qui dépendent tous
du souverain. La mise en place soudaine
de l’ordre seigneurial favorise l’essor de
la production, la croissance rapide de la
population, du commerce et des villes.
Le gouvernement d’un roi souvent ab-
sent par des ordres écrits stimule la
chancellerie et la centralisation. Un
siècle après sa conquête brutale, l’An-
gleterre est une société unifiée et paci-
fiée prête à devenir
« le premier État mo-
derne européen »
(Jean-Philippe Genet).
Impressionné par la conquête de l’An-
gleterre, dont il mesurait l’exploit à l’aune
de la récente expédition d’Alger, Guizot,
qui inaugurait à Falaise en 1851 la statue
du Conquérant, lui rendit un hommage
vibrant. Mais, après lui, la République
bouda ce héros mal arrimé à l’histoire na-
tionale. La Normandie réunifiée cherche
à redorer son blason. La mairie de Caen
lance un appel aux artistes pour une nou-
Avec le Brexit, le
950
e
 anniversaire de
la bataille d’Hastings
prend une saveur
particulière : la
conquête normande
a arrimé l’Angleterre
au continent
velle statue. Chauvinisme local ? Pas si
sûr. Au-delà du destin hors du commun
d’un fils de duc qui s’était mis en tête de
devenir roi d’Angleterre, ce que l’on com-
mémore cette année, c’est un patrimoine
partagé : une extraordinaire broderie de
plus de 68 mètres, dite « tapisserie de
Bayeux », mais qui doit peut-être plus aux
Anglais qu’à la reine Mathilde, un réseau
dense d’églises et de châteaux à donjon
carré qui se répondent d’une côte de la
Manche à l’autre.
Et puis, cette journée du 14 octobre
1066, il y a 950 ans, journée de bataille
longtemps indécise mais dont l’issue,
finalement, arrima solidement, quoi
qu’ils en aient, le destin des Anglais,
non seulement à la Normandie, mais au
continent tout entier.
L’Histoire
L’HISTOIRE
/ N°424 / JUIN 2016
4
/
n
Paroles
Forum
VOUS NOUS ÉCRIVEZ
apocalyptiques
Vous avez été nombreux à réagir
à notre dossier « Les fanatiques
de l’Apocalypse » (n° 422).
Pierre Duroselle
précise que
« si
les textes
bibliques sont
clairement des
textes
d’espérance en
une victoire
finale du vrai Dieu et des vrais
croyants, ils sont tout aussi
clairement des textes de
combat qui ne conçoivent cette
espérance qu’avec le massacre
abondamment décrit des
méchants, impies et mauvais
croyants. La lettre et l’esprit de
ces textes s’inspirent largement
d’un thème récurrent dans les
textes bibliques : la violente
colère destructrice d’un Dieu
jaloux, vengeur et intolérant.
Comme le montre bien votre
dossier, cette culture de la
violence est constamment
réactivée au cours de l’histoire
des nombreuses religions issues
de la Bible, même si, bien
entendu, les cultures riches,
complexes et multiséculaires de
ces religions ne peuvent être
réduites à ce seul aspect ».
En réaction au texte de Michel
Winock « Le secret de Mélanie »,
sur la postérité de l’apparition de
la Vierge à la Salette, Léon Saur
regrette que l’article ne fasse pas
allusion au
« message originel
(la relation Pra), issu de la
littérature de colportage
antérieure à la révolution
industrielle et très éloigné de la
publication de 1879. Loin
d’être un instantané, le secret
de Mélanie a été patiemment
construit dans la durée ».
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- RD
Vues vénitiennes
N
otre dernier numéro sur
« Venise. La cité monde »
(Les
Collections de L’His-
toire
n° 71, en kiosque) a suscité
quelques lettres.
Patrice Bertrand regrette de n’y
avoir trouvé
« aucun plan d’évo-
lution urbaine, mais seulement
quelques cartes attendues. Ve-
nise le mérite pourtant » !
Marianne Drouhet nous félicite pour
« ce beau nu-
méro qui nous replonge dans les plus belles heures
de la Sérénissime »
mais aurait aimé qu’on
« insiste
davantage sur son destin le plus récent, l’entretien
avec Salvatore Settis étant un peu trop court pour
rendre compte des multiples difficultés auxquelles
est aujourd’hui confrontée Venise ».
Sarah Pastorello se réjouit
« des magnifiques illus-
trations »
et de
« la très belle analyse du tableau
de Vittore Carpaccio ». « Mais pourquoi n’y a-t-il
pas été donné plus de place à l’école vénitienne de
peinture, qui a pourtant joué un rôle non négli-
geable dans le rayonnement de la cité ? »
Pour André Gaymard,
« le nouveau numéro m’a in-
téressé, mais je suis malgré tout resté sur ma faim.
Vous parlez du problème d’alimentation en eau po-
table, mais je ne sais pas encore comment les Véni-
tiens évacuaient leurs eaux usées ».
immédiate
Pierre Assouline a souligné
l’intérêt exceptionnel de
l’enquête de l’IHTP sur les
attentats de novembre 2015
(n° 422). Le recours aux
témoignages oraux s’y est avéré
crucial : la mémoire est alors
mobilisée de manière intense
et personnelle. Affirmer que
cette méthode serait « neuve »
en France, c’est méconnaître
les travaux des historiens de
l’Afrique. Puis-je signaler qu’en
1988 nous avons, avec des
collègues français et africains,
mené une enquête dans le
nord-est du Burundi, un mois
après les massacres qui y
avaient éclaté ? En 1989, les
témoignages d’une trentaine
de paysans hutu et tutsi ont
été publiés, livrant les réalités
vécues dans la région
avec le vocabulaire reflétant
ce qu’ils avaient ressenti.
On était loin des reportages
menés auprès des porte-parole
de tel ou tel camp.
Jean-Pierre Chrétien
n
Annonce
n
Histoire
La réponse d’Élisabeth Crouzet-Pavan :
Il existait à Venise à la fin du Moyen Age
quelques latrines publiques que la commune
faisait nettoyer. Beaucoup autrement utilisaient
les terrains non construits, les marais, voire
les passages étroits qui séparaient les maisons.
Certaines habitations disposaient
d’équipements qui sont d’abord installés
directement au contact d’un canal mais
qui pouvaient aussi s’écouler dans une ruelle
qu’il fallait vidanger. Ces lieux d’aisances
tendent à se multiplier au xv
e
 siècle. Ils peuvent
désormais être intégrés au corps du bâtiment et
ils aboutissent alors à des canalisations
rejoignant une fosse couverte ou un canal.
Je vends une collection quasi
complète de
L’Histoire,
du n° 1
au n° 422, où ne manquent
qu’une petite cinquantaine
de numéros. Vous pouvez me
contacter au 05 46 94 56 12.
Didier Ribot
Sauf mention contraire de son
auteur, toute lettre parvenue à
la rédaction de
L’Histoire
est susceptible d’être publiée
dans le magazine.
Par souci de brièveté et de clarté,
la rédaction se réserve le droit
de ne publier que des extraits des
lettres sélectionnées.
RECTIFICATIFS
> Dans le lexique du dernier numéro des
Collections
de L’Histoire
(n° 71, p. 10), il faut lire « Venise lève sur
la vente du sel une taxe lourde », et non « enlève ».
> La mosaïque retrouvée à Adana (n° 422, p. 6) ne comporte pas
d’inscriptions en arménien, seulement en grec.
> La carte accompagnant l’article de Michel Hébert sur les états
généraux de 1356 (n° 421, p. 75) comportait quelques
erreurs de tracé. Pour consulter la carte du royaume de France
au
xiv
e
siècle, se reporter sur
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sable des titres, intertitres, textes de
présentation, encadrés, notes, illustra-
tions et légendes. La loi du 11 mars
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tive. Toute représentation ou reproduc-
tion intégrale ou partielle, faite sans le
consentement de l’auteur ou de ses
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L.122-4 du Code de propriété intellectuelle). Toute
copie doit avoir l’accord du Centre français de droit
de copie (CFC, 20, rue des Grands-Augustins,
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n° 0418 K 83242. ISSN 0182-2411.
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directeur de la publication : Thierry Verret.
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L’HISTOIRE
/ N°424 / JUIN 2016

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